Trois mois après la signature de l’accord entre EDF et l’État sur les prix de l’électricité post-2025, Bercy reconsidère le modèle en raison de la baisse importante des cours de l’énergie, envisageant une régulation tarifaire plus stricte si la situation persiste.
Moins de trois mois après sa célébration à Bercy comme une avancée majeure pour le secteur énergétique français, l’accord conclu entre EDF et l’État concernant les tarifs de l’électricité après 2025 est déjà sur la sellette. Initialement présenté comme un mécanisme essentiel pour moderniser EDF et réguler les prix de l’électricité tout en préservant l’équilibre financier de l’énergéticien, cet accord pourrait être révisé. Les détails.
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Des prix fixés librement par EDF ?
En novembre dernier, l’accord conclu impliquait qu’EDF aurait une certaine liberté pour fixer ses tarifs de vente, tout en prévoyant une ponction des bénéfices par l’État au-delà de certains seuils élevés, notamment à partir de 78 à 80 euros le mégawattheure (MWh), où l’État prélevait la moitié des bénéfices, et à partir de 110 euros le MWh, où 90% des bénéfices étaient prélevés.
Cependant, ces dernières semaines, les prix de l’électricité ont chuté sur les marchés, entraînant un retard dans la conclusion de contrats entre EDF et les industriels et fournisseurs, ces derniers exigeant généralement des tarifs inférieurs au prix de réserve d’EDF.
Cette situation met en lumière l’absence de filet de sécurité prévu par l’accord dans ce scénario, ce qui a pris l’exécutif par surprise. Roland Lescure a exprimé son impuissance face à ce phénomène et a appelé EDF et les industriels à conclure des contrats rapidement.
Le système d’enchères en difficulté
e dispositif mis en place par EDF en septembre dernier pour tester le marché illustre clairement cette problématique. Il s’agit d’un système de vente aux enchères visant à établir les prix de détail pour les prochaines années, destiné à un large éventail d’acteurs, des grandes entreprises du secteur automobile aux petites et moyennes entreprises. L’objectif est de fournir à ces acteurs un approvisionnement sur cinq ans à un prix fixé à l’avance par le biais d’enchères, afin de leur permettre de prévoir leurs revenus.
Cependant, au cours des deux dernières semaines, ce système d’enchères n’a abouti qu’une seule fois, à un prix relativement bas de 65 euros le MWh pour une livraison en 2028. Selon l’économiste spécialisé dans les marchés de l’énergie, Jacques Percebois, ce prix pourrait être encore plus bas en termes réels, compte tenu de l’inflation à venir. Depuis mi-janvier, aucune livraison pour 2028 n’a dépassé les 70 euros le MWh, et la plupart des enchères se sont révélées infructueuses.
En comparaison, en novembre dernier, ce système avait permis d’obtenir des prix compris entre 80 et 85 euros pour 2027, et entre 70 et 77 euros pour 2028. En septembre, EDF avait même estimé que les prix issus des enchères pour ces périodes ne devraient pas être très différents de ceux observés récemment, donc probablement inférieurs à 100 euros.
Vers un prix plancher ?
Dans ce contexte, si la situation ne s’améliore pas, le gouvernement envisage sérieusement de recourir au contrat pour différence (CfD), une option écartée précédemment en fin d’année dernière. Ce mécanisme impliquerait de fixer un prix plafond au-delà duquel les bénéfices d’EDF seraient prélevés par l’État, ainsi qu’un prix plancher en dessous duquel l’entreprise serait compensée pour la vente de sa production.
Jusqu’à présent, EDF avait rejeté cette solution, misant sur des prix élevés et préférant vendre selon ses propres conditions plutôt que de voir sa production régulée par les pouvoirs publics. Cependant, cette stratégie repose sur l’hypothèse que les prix de gros resteront toujours au-dessus de 70 euros/MWh, comme l’expliquait récemment l’économiste Jacques Percebois.
De plus, le groupe EDF cherchait à éviter à tout prix une intervention de la Commission européenne qui pourrait imposer un démantèlement, notamment en séparant ses activités dans les énergies renouvelables, à l’image du projet Grand EDF (ex-Hercule). Il invoquait une protection excessive de l’État face aux risques du marché. Il reste donc à voir si l’accord sera effectivement révisé. L’exécutif se donne jusqu’à l’été pour évaluer la situation de manière approfondie et pourrait intégrer le futur cadre de régulation, quelle que soit sa forme, dans le prochain projet de loi de finances (PLF), bien que rien ne soit encore confirmé. À ce jour, EDF n’a pas souhaité faire de commentaires sur le sujet.